"Avec
la quantité énorme de randonnées à skis que j’ai faites avec Gérard, nous
avons eu quelques aventures avec les avalanches.
La
première que nous avons déclenchée, c’était en décembre 1980, nous
montions à la Tête de Longet en face de Saint Véran. Comme souvent en fin de parcours, Gérard et moi avions
accéléré notre cadence de montée et nous étions devant les autres. La neige
était dure, compactée par le vent. A deux mètres de l’arête sommitale, la
neige cède sous nos skis et nous entraîne dans le pente. Nous rebondissions
sur le sol gelé au milieu des plaques de neige dure. J’essayais de me
ralentir de mon mieux pour rester en arrière du front de la coulée, Gérard
tentait d’ enlever ses skis qui l’entraînaient avec la coulée de neige. La
pente n’ était pas très raide et l’avalanche n’allait pas trop vite
heureusement. Après environ 200 mètres de glissade pour moi et un peu plus
pour Gérard, nous sommes passés en arrière du front de la coulée et nous
nous sommes arrêtés. Elle a continué sans nous sur environ 800 mètres.
Finalement le bilan n’était pas méchant, des bleus, un pantalon déchiré,
des peaux de phoque arrachées et perdues ainsi que les bâtons de Gérard qui
avait enlevé les dragonnes dès que possible. Ce jour-la nous ne sommes pas allés
jusqu’ au sommet.
La
plus belle, ce fût dans la pente nord du pic de Côte Belle près du col de
l’Izoard le 1er mai 1991. Les conditions étaient avalancheuses et nous
montions les skis sur le sac en suivant des éperons rocheux sans jamais nous
engager dans la pente. Au sommet il fallait donc purger la pente avant de nous
engager dans la descente. Skis aux pieds, nous sautions sur place pour faire céder
une plaque éventuelle. Après cinq minutes d’ efforts, rien ne se passait et
j’allais entreprendre la descente. Mais Gérard persista une dernière fois et
ce fût la bonne. La neige se fissura et glissa dans la pente de plus en plus
vite. Le spectacle était fascinant. Après environ 400 mètres de dénivelée,
l’avalanche devenue impressionnante heurta un éperon rocheux. La neige était
propulsée à la verticale dans un majestueux panache blanc puis s’étala dans
le grand plat 800 mètres de dénivelé plus bas.
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Face nord du Pic de Cote Belle Avalanche déclenchée par nos soins le 1er mai 1991 |
Quelques
années plus tard juste en face, à la Turge de la Suffie,
j’étais seul cette fois . Après la montée traditionnelle par des pentes
douces via le col de l’Adroit du Balai, j’entreprends une descente directe
depuis le sommet. Mais cette fois, un seul coup donné avec mon ski pour purger
la pente suffit à faire partir toute la face nord ouest sur environ 500 mètres
de large et 1500 mètres de long. J’étais ahuri qu’ avec un seul mouvement
pas très fort d’ ailleurs j’avais pu déclencher une telle avalanche. Alors
randonneurs, soyez sur vos gardes, même les plus expérimentés ont parfois des
surprises, comme par exemple au Combeynot ci–après.
Durant
la nuit, il y avait eu une chute de neige assez importante, mais il faisait pas
trop chaud et nous pensions que la neige serait stable. Nous voulions refaire un
couloir parallèle au Davin et situé un peu avant, assez étroit dans sa partie
raide terminale ce qui devrait stabiliser la neige. Cependant un sens interdit
nouvellement mis en place nous obligeait à une marche sur la route non enneigée.
En maugréant contre ce stupide panneau, nous changeons d’avis et partons pour
le Combeynot, direction le couloir central, pas trop raide 35 à 40 degrés
maximum. et assez étroit. Cependant la partie terminale s’ élargit en un
vaste entonnoir propice au déclenchement d’une éventuelle avalanche. Nous
montons à pieds, skis sur le sac. Et comme d’habitude au sommet, grosse séance
de purge skis aux pieds. Mais rien à faire, la neige refuse de glisser, nous
commençons à descendre. A ce moment précis alors que nous avons fait
cinquante mètres, le soleil arrive et il fait brusquement très chaud. Une
intuition me pousse à surveiller le haut du couloir et en quelques minutes le
soleil modifie la texture de la neige qui soudain se met à descendre. Je crie
à Gérard 20 mètres en – dessous de moi de s’écarter de l’ axe du
couloir. De justesse, il réussit à ne pas être entraîné par la coulée,
mais cela aurait été impossible si nous avions été seulement 50 mètres plus
bas. Sur la route du retour, nous avons pu admirer une magnifique avalanche dans
le couloir que nous avions projeté de gravir, merci au sens interdit.
Il
y a eu d’autres déclenchements d’ avalanches ou de coulées de neige,
j’ai été une fois recouvert, mais finalement à part la première fois à la
Tête de Longet, nous n’avons jamais été vraiment surpris, sauf parfois par
l’ampleur de certaines avalanches que nous avons déclenchées.
Une dernière petite anecdote, plus récente. Nous avions projeté de descendre à skis le couloir nord–ouest du Pelvoux, entre le Pic Sans Nom et le Pelvoux. Nous progressions rapidement à peaux de phoques et bientôt nous allions chausser les crampons pour attaquer la montée du couloir. Soudain un beau panache de poudreuse apparaît dans la branche supérieure orientée est sur les flancs du Pic Sans Nom. Le beau panache devient rapidement impressionnant et nous détalons comme des fous sur notre gauche pour nous mettre à l’ abri. Heureusement l’avalanche suit la pente la plus raide et part sur notre droite, nous sommes seulement rafraîchis par un bon aérosol. Notre horaire un peu tardif pour avoir une neige bien dégelée à la descente, surtout pour moi, nous a évité de gros désagréments. En effet plus engagés dans le couloir, c’était la chute assurée avec l’arrivée de l’avalanche. Un an plus tard, je montais seul à la bosse de la Momie et il avait neigé la veille. Le soleil commençait à réchauffer les pentes sommitales orientées est du haut du couloir. Je pensais que j’allais assister à nouveau au spectacle d’une belle avalanche. Je n’ai pas eu à attendre longtemps, elle était au rendez-vous, encore plus spectaculaire que l’année précédente. Alpinistes, ne vous engagez jamais dans ce couloir après une chute de neige en altitude récente."
Alain
Paret, janvier 2001